J’attendais un peu avant de pondre mon petit billet sur la crise financière. Prendre un peu de recul, observer les réactions ici et là.
Ce qui m’a le plus surpris d’ailleurs c’est justement cette surprise soudaine de l’ampleur des dégâts. Un article de Télérama aborde bien le sujet dans “Crise financière, la loi du silence”. Il y a longtemps que tout ceci était prévu. Alors ?
Alors, soit l’idéologie de la main invisible est tellement forte qu’elle crée un déni généralisé, soit ce sont des incompétents qui gouvernent, soit c’est quelque part voulu.
Je ne sais pas quelle hypothèse est la bonne. Mais quel qu’en soit la réponse, nous atteignons aujourd’hui une défiance généralisée dans le système financier et de fait dans le système économique. Et comme c’est “le moral des ménagères” qui fait tenir le système, nous allons peut-être vivre une période trouble.

Oui, car nous sommes bien dans une crise de confiance. Une crise de confiance vis et vis du système et donc vis à vis de l’autre, et certainement une crise de confiance vis à vis de nous-mêmes aussi. Crise de confiance, car le système est trop loin de nous, nous ne sommes que de tous petits rouages, les principaux nous échappent.
Ecrasés par l’impuissance, “on ne peut rien faire”. Nous entendons cela depuis des années, le citoyen ne peut rien faire, il est ballotté par le système, maintenu par le système financier. Quoi, ce sont les banques qui maintiennent le monde debout ? Oui, c’est ce que l’on vient d’apprendre, enfin, disons, nous en  avons maintenant la confirmation, car on s’affole dans les hautes instances, il faut sauver le monde et vite. Et pour sauver le monde, on sauve les banques et les finances. Quelle horreur si on y réfléchit bien, tout le système s’écroulerait sans les banques. On ne tient qu’à un fil bancaire. Nous serions dirigés par ce fil, nos vies ne seraient pas entre nos mains, pauvres marionnettes. Bon, pour ceux qui s’intéressent à l’histoire tout ceci n’est pas nouveau.

Le gros danger que je vois poindre est la sauvegarde du système d’abord, la recherche de responsables, puis la punition, un semblant de régulation et hop, on repart comme en 40, avec exactement les mêmes structures sous-jacentes … jusqu’à  la prochaine crise, peut-être bien plus grave encore.

Un autre gros danger que je vois poindre est une révolte des peuples. Et c’est en général sanglant. Soit c’est maté, soit c’est une dictature qui se met en place. Remarquez que le fait de mater n’exclut pas non plus la dictature … Récession, révoltes, guerres, rien de nouveau sous le soleil ! Mais des techniques ultrasophistiquées existent aujourd’hui … et le troupeau apeuré se réfugie toujours vers le berger, même si le berger est là pour assurer l’approvisionnement nécessaire au système. De la nourriture fraîche.

Alors, si nous voulons éviter ces dangers, nous devrions peut-être penser, penser que cette crise est une chance. Nous devrions ne pas céder à la panique. Nous devrions peut-être penser que nous sommes autant responsables de cette crise que les banquiers et les traders. Nous devrions peut-être penser que nous participons tous à ce système et que nous l’entretenons et que si nous arrêtons de le cautionner, CE système s’écroulera, mais pas le monde. Un autre système est possible !

Nous devrions retrouver la confiance en nos capacités d’agir, en nous et chez les autres. Nous avons les moyens maintenant de reprendre possession de nos vies. Il faut sortir de la servitude volontaire qui, nous croyons, nous octroie un confort de pensée et un confort matériel.

Il faut à tout prix sortir de schémas de pensées que l’on croit immuable. Sans que nous en soyons conscient, enfin certains, nous nous comportons tous en capitaliste, c’est à dire en gens d’avoir, confondues souvent avec les gens de biens ( remarquez comment avoir et bien sont proche), en oubliant d’être des gens d’être. Tout repose sur la possession, et il dérive obligatoirement de cette possession, l’avidité et la cupidité.

Bien sûr, ce n’est pas nous qui avons imaginé ces placements pourris, mais ils ont bien été vendus, et sous quel prétexte ? D’en retirer plus. Et ç’est ce mal qui nous ronge, le toujours plus, en retirer plus pour soi-même au détriment des autres. C’est la même idée qui trotte, même dans le plus infime de nos gestes, le plus infime de nos achats. Moi, mon intérêt d’abord, en priorité toujours moi. Certains ont crû que l’intérêt privé pouvait au final servir l’intérêt public, c’est se tromper et confondre moyen et fin. Si nous observons l’histoire, l’intérêt de quelques uns n’a jamais servi l’intérêt de tous. Et donc agir pour moi, ne peux pas servir les autres. Le problème, c’est Moi ! La solution, c’est l’Autre !

Nous faisons tous parti de ce système qui repose sur la cupidité et le toujours plus, ce système repose sur les plus bas instincts de l’être humain. C’est un système de loi du plus fort, les plus forts qui s’en sortent, les autres écrasés, oubliés sur le chemin de la réussite individuelle.
Le problème c’est le citoyen lamba, moi, vous, ils, qui n’a pas voulu prendre en considération l’autre. C’est le moi d’abord, le jeu des coudes, c’est l’idéologie inculquée dans les écoles et les familles, c’est l’idéologie inculquée par les médias, c’est se sauvegarder soi-même en premier, être le premier dans le canot de sauvetage. C’est le mépris, même pas conscientisé, affiché sur celui qui reste en bas de l’échelle, oui, le problème c’est aussi l’échelle. Il faudrait abolir l’échelle.
J’achète une maison, on me dit que ça ne va que monter, j’investis dans la pierre … pour qui j’investis ? pour moi … à la limite pour ma descendance … et c’est tout.
Nous sommes bien dans un monde où chacun essaie de sauver sa peau et de passer le meilleur moment possible sur terre.
Et depuis que le monde est monde, je sais qu’il y a des riches et des pauvres. Je suis enfant et j’ai envie d’être du bon côté, c’est à dire riche de biens. Comment ? Comment est-ce possible d’être du bon côté ? Ou de rester du bon côté si je suis déjà né du bon côté. Comment vais-je faire ? Quelle stratégie mettre en place pour assurer mes arrières ? L’école va fournir les premiers éléments. On y apprendra notamment qu’il y a des perdants, que tout le monde n’est pas élu et que c’est comme ça. Travailles à l’école, sinon tu vas finir femme de ménage ou caissière. Ben oui, alors on bosse, on sait jamais, ils ont peut-être raison. Mais comment donc, la femme de ménage serait donc une perdante ? La femme de ménage, c’est l’Autre.

L’Autre, mais qui est l’Autre ? Celui qui n’est pas moi-même d’abord, puis celui qui est hors de mon cercle familial, puis celui qui n’est pas de mon milieu, puis celui qui est hors de ma nation, puis, puis …

Mais, pourrait-on rétorquer, ce système a (eu) du bon, les progrès techniques, médicaux, ont amélioré la vie des gens considérablement. C’est vrai, si on se place sur un seul point de vue.
Qu’est-ce que nous avons crû, nous occidentaux gâtés (remarquez bien la ressemblance entre gâté et pourri) ?
Nous avons crû pour les meilleurs d’entre nous (meilleurs dans le sens bon, good people, comme dans le film “la vie des autres”) que notre richesse profiterait aux autres. Ou plutôt nous avons fait semblant de croire que tel allait être le cas, juste un peu de patience.
Ils s’en sortiront aussi en Afrique, un jour. Regardez, en Chine, ça y est, ils commencent à devenir riches ! Ca marche ! Le système est bon !
Nous n’avons pas voulu voir les autres points de vue et surtout ne pas agir pour préserver notre confort physique et intellectuel, parce que quand même c’était visible. Bluffés aussi par cette nouvelle société de la connaissance que l’on nous fait miroiter, comme si nous n’étions plus environnés de matériel, de matériaux.
C’est un peu comme si tout d’un coup, il n’ y avait plus besoin de personne pour fabriquer un wc, une voiture. Certes il y a les robots, mais ils ne font pas (encore) tout, et on oublie trop souvent toutes les petites mains qui fabriquent nos fringues et nos ordinateurs en Asie. On oublie trop souvent toutes les petites mains qui triment encore dans les champs en Afrique ou ailleurs pour nous fournir notre dose de café quotidien. On oublie trop souvent la part de la population affamée et malnutrie. On oublie trop souvent ceux qui tombent autour de nous, le quart-monde, qui fait la queue dans les soupes populaires et les asiles de nuit. Qu’est-ce qu’on croit ? Que le temps va arranger tout cela ? Qu’un jour viendra où la misère sera abolie par le miracle du capitalisme ? Ceux qui disent que nous sommes sortis des religions en Occident se trompent lourdement, nous sommes en pleine religiosité du progrès économique. On ne croit plus au paradis, mais on croit que le “bien” sur terre sera un jour possible grâce au capitalisme ou pour certains grâce au communisme (on s’est quand même fort éloigné du communisme). Enfin, ceci est déjà du passé, car en fait, nous ne croyons plus du tout en rien, en rien de ce que nous avons connu. Nous nous rendons bien compte maintenant que tout ceci est un leurre.
Et ceux qui défendent bec et ongles ce système ne savent plus que dire aujourd’hui “mais nous n’avons rien trouvé de mieux, alors continuons comme ça.”

Cette crise est loin d’être que financière, c’est une crise de religion et ça, c’est la chance !

Alors, il faut se réveiller, maintenant ! Ne pas attendre d’être paralysé par le spectre de la misère comme en 1929 et de tenter encore de sauver sa peau tout seul dans son coin. Ne pas attendre d’être happé par la colère, la vengeance, la révolution stérile du revanchard qui ne peut plus que pendre haut et court. Ne pas attendre d’être à nouveau assoupi par la propagande et, qui sait, enchaîné pour un bon bout de temps dans le “meilleur des mondes”.

Il faut sortir de son moi rétréci, utiliser son moi comme un ressort pour aller vers les autres. Avoir confiance en son unicité, en sa capacité d’invention et être enfin responsable, prendre soin du vivant, prendre soin de soi et des autres.

Tout avait été dit, écrit sur les fragilités économiques, écologiques, dès les années 60 ( et même avant), mais seulement dit et écrit … même si écrit en code informatique, ce n’est toujours que de l’écriture. Je pense à l’Internet, bien sûr, révolution technique incroyable des modes de communication. Mais est-ce que ces moyens de communiquer peuvent changer la structure ? Si oui, nous sommes à ce tournant et il faudrait alors le prendre très rapidement.

Il faut sortir de l’écriture passive pour arriver à l’écriture active. Nous en avons les moyens. N’oublions pas que la monnaie est maintenant un code numérique, nous pouvons donc changer ces codes et les mettre au service de tous. N’oublions pas que la numérisation du monde nous offre des possibilités inouïes de changer la structure, mais en faisant bien attention, ne pas retomber dans les travers d’une idéologie à œillère. Réfléchissons, réfléchissons bien. Nous sommes tous acteurs de ce monde.
Soyons le fraternellement et reconnaissons enfin l’Autre comme aussi important que moi-même ! Là, ce serait vraiment une mutation du système, que dis-je, un saut !