J’avais écrit un texte sur la lente dérive du mot social en 2010, sur un blog de @rayabi, qui n’existe plus aujourd’hui. Je le remets en ligne ici suite au projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale …
Démocratie sociale ! Cette expression m’avait échappée, elle est pourtant déjà ancienne, enfin selon le dictionnaire de la langue française de l’Internaute, c’est : Relation entre l’Etat et les partenaires sociaux voire entre employeurs et salariés. Ben voyons, quelle farce, social voulant dire syndicats, mais quelle farce !
Et donc voici mon texte de 2010 :
Lente dérive du social
Je suis un être social, est-ce à dire que je suis pauvre ? Je veux dire, d’une classe sociale démunie financièrement et intellectuellement parlant ? Je veux dire, d’une frange d’une population qui pose problème. Je veux dire, d’une partie des exploités qui a du mal à se cacher et qu’il faut savoir maîtriser sous peine d’”explosion sociale” ( qui explose ?). Mais non, mais non, social, ça vient de société, et la société englobe tout le monde, les riches et les pauvres. Ah bon, est-ce si sûr ?
Ben oui, les réseaux sociaux, c’est pour tout le monde. Ben, oui, et les sociologues, ils étudient tout le monde aussi, mais oui !
D’accord, d’accord … Mais !
Mais, il y a l’assistant(e) social(e), qui fait parti des travailleurs sociaux, et qu’est-ce qu’elle fait l’assistante sociale ? Va-t-elle s’immiscer dans les milieux fortunés pour aller voir s’ils font bien société ? Non ! Elle va voir les familles en détresse qui font appel à elle pour obtenir des moyens de survie. Mais faut pas croire, elle n’est pas souvent bien aimé l’assistante, si elle aide pour remplir des papiers, on n’aime pas trop la voir à la maison. C’est aussi une contrôleuse, sbire de l’état, qui peut décider de retirer toute son aide et même les enfants aussi, parfois. Les travailleurs sociaux, qu’est-ce donc ? Ceux qui tentent de ramener au bercail les exilés de la société. Donc, les exilés ne sont pas inclus, encore, dans la société. Etrange ! C’est ce que l’on veut bien croire.
Une assistante sociale devrait pouvoir venir aussi dans les milieux aisés et leur dire : “Partagez, partagez donc vos bénéfices (de tout ordre), pour que nous fassions tous société.” Etrange idée, je dérive …
Toute cette introduction, pour dire que l’adjectif social dérive, dérive complètement. Je vais prendre quelques termes ( si vous en voyez d’autres, rajoutez dans la liste) et examiner ce que cela veut dire, veut vraiment dire et vous verrez que l’on est très loin de l’être social, relié les uns aux autres, de l’être qui fait société, social ne concerne plus tout le monde, mais est social ce qui pose “problème”. Etrange glissement.
Plans sociaux : licenciements (non, non, ce n’est pas un plan pour faire société tous ensemble)
Partenaires sociaux : syndicats (non, non, ce qui ne sont pas dans des syndicats, ne sont pas partenaires)
Samu social : que pour les plus pauvres des plus pauvres (le samu tout court, c’est pour les autres)
Logement social : logements pour les pauvres ( Ils ne sont pas sociaux alors à Neuilly ?)
Troubles sociaux : les pauvres qui se rebellent ( les traders et les banquiers ne font pas de troubles sociaux )
Désespérance sociale : manque d’espoir de s’enrichir un jour ( Si les riches désespèrent, c’est tout court, ils ne désespèrent pas socialement)
Délibération sociale : dialoguer avec les syndicats d’ouvriers, employés (vraiment dialoguer ?)
Plan de cohésion sociale : mesures destinées à aider les personnes en difficulté (pas de mesures pour ceux qui ont les moyens)
Dialogue social : heu, parler avec les personnes sans emplois ? Les insérer ? Avec les syndicats ?
Mouvements sociaux : les pauvres et les exclus qui s’organisent
Forum social mondial : je vous laisse trouver la définition …
Démocratie sociale : la démocratie mais avec la valeur travail du pauvre exploité qu’on écoute, si on t’écoute ! (Rajout 2013)
Et pourtant, pourtant, la Sécurité Sociale, c’est bien pour tout le monde, non ? Les riches se font rembourser aussi leurs soins, non ? Et pourtant les charges sociales, c’est bien pour tout le monde, non ?
Et voilà, ma modeste première réflexion sur le social qui petit à petit pourrait vouloir dire exclu, hors société, c’est un peu fort, non ? Comme si social ne s’adressait plus qu’à une catégorie de personnes, les dominés. A moins que ce ne soit le contraire ?
Mais chut, aujourd’hui on ne parle plus de classes sociales, ça fait désordre. Le social, c’est le riche, le dominant qui tend sa petite main au dominé : “tu vois, je ne t’oublie pas, je pense à toi, je dialogue social”. Le social, c’est le dominant qui s’est approprié le mot : “je viens t’aider mon frère ! Je “cohésionne” social !”.Le social, c’est le terme que le dominant détourne pour faire croire aux dominés que l’on s’occupe d’eux. Et les dominés de reprendre ce terme en chœur, pour s’illusionner sur le fait que l’on s’occupe d’eux, ou pour s’illusionner tout court, en pensant le social comme étant leur champ d’expérimentation, un but imaginaire de “pauvres”. Et au final, le dominant s’exclue du champ social, il n’est plus là pour faire société. Le dominant est au-dessus du social.
Pour renverser le sens, ne reste plus qu’à inventer des assistant(e)s social(e)s pour les familles de banquiers, de politiciens, etc … Leur montrer, les pauvres, qu’ils peuvent encore rejoindre le champ social, dialoguer socialement avec eux, leur montrer gentiment les troubles sociaux qu’ils occasionnent et comment on peut y remédier. Et de décider, pourquoi pas, de faire un second SMIC (salaire maximum interprofessionnel de croissance), cela pourrait être un plan social, non ?