Entreprise 2.0 et après ?
Il me manquait des éléments pour essayer de dire ce que je ressentais depuis un moment sans savoir l’exprimer encore, c’est à dire, une fois l’esprit travail collaboratif, participatif, réseaux sociaux, l’entreprise 2.0 quoi, est effectif, que se passe-t-il après ? Des employés plus motivés, heureux de travailler plus collectivement dans le partage des connaissances, plus respectueux les uns des autres car plus connectés ? Des innovations possibles par la connexion “presque organisée numériquement” des idées de tous ? Quoi d’autre ? C’est tout ? Mais c’est déjà énorme, me direz-vous, mais quoi d’autre ? C’est vraiment tout ? Ne dit-on pas que l’entreprise doit actuellement se réorganiser complètement pour survivre dans un monde de plus en plus complexe, innover de plus en plus rapidement, répondre en temps réel aux problèmes, aux défis ? L’entreprise 2.0 serait alors une des solutions possibles.
Mais cela veut dire quoi ” survivre dans un monde de plus en plus complexe, innover de plus en plus rapidement, répondre en temps réel aux problèmes, aux défis” ?
L’interview de Michel Serres (voir post précédent) et la lecture du billet de Bertrand Duperrin et de la culture du social computing chez P&G m’ont fait faire la connexion ce matin entre les deux.
Je ne vais pas encore porter un jugement sur P&G, après Ebay et PSA, on va penser que je suis anti grosse entreprise, non, je ne suis pas anti, j’essaie simplement de voir le réel, de décortiquer derrières les apparences, j’essaie, c’est tout. Donc sans porter de jugement, on peut dire que P&G est un des plus gros pollueurs de la planète, qu’ils pratiquent des tests sur les animaux et qu’ils sont un des plus gros fournisseurs du monde en lessives, cosmétiques, peintures, etc …et que nous utilisons tous ses produits un jour ou l’autre. On peut dire aussi que P&G essaie de prendre le virage développement durable, comme la plupart des grosses entreprises d’ailleurs (il n’y a qu’à voir les publicités “vertes” qui font fureur chez tous), et qu’il existe bel et bien chez eux cette volonté apparemment. Allez voir leur site et autres communications vertes de leur part, des liens à foison vous en trouverez.
En mettant en œuvre réellement le social computing que ce soit avec les employés ou avec des collaborations externes pour une véritable entreprise étendue (ils font ça aussi et c’est une très bonne initiative), P&G pourra-t-il vraiment innover pour un monde plus sain ? Est-ce vrai ? Qu’est-ce qui est recherché en priorité le bien être de la planète ou le bien être des actionnaires ? Les deux à la fois, est-ce possible ? Le brevet, propriétaire, peut-il œuvrer aux changements attendus (de nombreux procès ont lieu chaque année) ?
Si je suis employé chez P&G au design des produits par exemple, je sais qu’il faut la jouer vert aujourd’hui pour vendre, je vais mettre le paquet ( sans jeu de mot 😉 ) pour que le design ou les recommandations inscrites sur l’emballage soient bien de l’ordre du développement durable. Mais est-ce que je suis conscient que ce fameux produit, malgré les efforts, est encore bel et bien un gros pollueur de cours d’eau ? Et si j’en suis conscient, je fais quoi ? Je le dis sur un des blogs de l’entreprise, sur Facebook, où je me la ferme pour garder mon emploi ? Ou bien encore, j’ai peut-être été drivé pour penser que de gros efforts sont fait dans ce domaine (d’ailleurs, regardez nos belles actions pour l’eau / oui, les BA sont comprises dedans) et que Rome ne s’est pas fait en un jour. Patience, donc, on y vient, mais pas tout de suite. Alors, je prends mon mal en patience, si j’en suis conscient, parce que sinon, hein, il n’y a pas de chat à fouetter, et je continue à travailler chez P&G dans une ambiance certainement plus sympathique que dans d’autres entreprises, donc patientons. Oui, mais combien de temps ? Elle va être faite quand la révolution verte ? Si je salis ce que je m’approprie ( pas encore lu le livre de Michel Serres, mais je dois être proche …), si je continue à breveter, à penser que la terre m’appartient et à penser que la terre n’est pas un bien commun, elle va se faire quand l’évolution écologique ?
Si on doit répondre en urgence à des problèmes de plus en plus complexes, on va attendre combien de temps pour dépolluer la planète ? C’est urgent ou ce n’est pas urgent ?
L’entreprise 2.0 alors, et après ? C’est pour quoi au juste ? Elle est où la force des réseaux sociaux pour faire pencher la balance ? Les entreprises sur Second Life ou sur Facebook, bien, et alors ? Cela change quoi ? Des employés plus solidaires, des employés plus attachés à leur entreprise, le sens du collectif plus fort, le sens de l’individu aussi plus fort car enfin reconnu, oui, tout cela est très important, mais ensuite ? Heureux d’innover, d’apporter des solutions, mais si “en haut” on me demande toujours d’être le participant à l’élaboration d’un produit final qui n’est pas bon, comment je fais pour m’en sortir “moralement” parlant ? Et si le stress au travail était dû au fait de cette énorme contradiction ? On affole, on fait des Grenelles, on dit partout que le réchauffement du climat va nous anéantir, que tous les cours d’eaux sont pollués, et le travailleur, il fait quoi, le travailleur ? Il continue chez P&G vaillamment son petit travail, soit il ferme les yeux, soit il ouvre les yeux et là en général cela fait très mal. J’ai beau être l’employé le plus respecté au monde, si j’aide au développement d’un produit le moins respectueux au monde, il y a comme un dévissage dans la tête, une contradiction insurmontable.
Mais, espérons, possible que cela fasse surgir de nouvelles consciences, de nouvelles urgences, des pressions bien réelles qui fassent virevolter à 180° les entreprises.
3000 Facebookers se sont bien déplacés à Paris pour se “freezer” sur place, 3000 employés pourraient alors se réveiller et dire qu’ils veulent à partir de maintenant travailler pour des produits résolument non toxiques ! Alors, dans le sens dit par Michel Serres dans la vidéo, bel et bien une utopie ?
PS : et le consommateur ? Je vais me prendre en exemple, attention, hélas, peut-être, je ne suis pas une pur jus écolo et comme beaucoup pétrie de contradictions aussi … Dur dur la déprogrammation ! J’utilise bien de temps en temps des noix de lavages, mais je continue à utiliser aussi ma lessive préférée hypo truc et sans phospho truc et autre, mais tout de même de chez Henkel, le concurrent à P&G, bien que les produits de base soient bien souvent les mêmes et qu’ils travaillent de temps en temps main dans la main en se revendant tel ou tel marché. Et idem, ils font dans le “sustainable” et idem, on peut se demander si c’est vrai de vrai ou si, c’est qu’il est impossible aujourd’hui pour une entreprise de ne pas avoir de département développement durable, inconcevable même. Bref, je suis consciente que ma lessive, même si sans et sans, est bel et bien polluante. Et oui, mais elle lave bien, programmé par la bonne odeur de propre (arghhhh), j’ai du mal à m’en défaire. Dingue ! Et puis si tout le monde se met aux noix de lavage, ce ne sera pas soutenable non plus écologiquement parlant, nous sommes trop nombreux et il n’y aurait pas assez de place pour planter tous ces arbres, comme le biocarburant, un très mauvaise bonne idée à grande échelle. Il existe aussi d’autres lessives plus respectueuses de petits fabricants, mais est-ce que ça lave aussi bien ? Oui, non ? Est-ce à nous consommateurs de délaisser les “gros” pour les “petits” ? Oui, non ? Alors ?
Je peux aller dire cela dans tous les réseaux sociaux du monde, qu’il nous faut enfin une vraie lessive (et tout autre produits chimiques) fabriquée à grande échelle et qui ne pollue pas, ça va faire quoi ? Beaucoup en parlent, le disent, depuis longtemps d’ailleurs, et à part les départements développement durable, et autres bonnes actions pour la communication, des fabricants les plus importants du monde, le problème est toujours là … Le véritable changement pour une planète en pleine forme n’a toujours pas eu lieu ! Mais on va y arriver, oui, on va y arriver, parce que, au final, nous n’aurons plus le choix … C’est dommage d’attendre d’avoir les pieds au mur, mais c’est ce qu’il se passe.
PS bis : mon compagnon fait aussi la lessive 😉