Je publie ce texte que j’ai écrit il y a un an environ. Je ne change rien, il est tel qu’il avait été écrit. Pourquoi ne pas l’avoir publié à ce moment là ? Je ne sais pas, il me semble me souvenir que je le trouvais excessif …
C’est de plus en plus le flou cette identité numérique. Entre ce qu’il faut faire, pas faire, montrer, pas montrer, conforme, pas conforme, le moi, le toi, le soi, les traces, les surveillants, les surveilleurs de surveillants, les je, les nous, les on, les épiés épieurs, les collectes, les graphes, le su, le caché, les dits, les non-dits, les relations reliées, les reliés des relations, et, et, et … le marché, les marketeurs, les employeurs, les consommateurs, et, et, et … les institutions étatiques, les contrôleurs, les pourvoyeurs, les administrateurs, …, que peut-il bien se dessiner, se projeter sur nos vies numériques et sur nos vies ?
Cela ne serait rien, si ce n’était qu’un jeu, une immense cour de récréation, d’expérimentations qui ne porterait pas à conséquence. Un jeu, où nous pourrions dire “touché coulé” et on recommence la partie, le perdant retrouvant toutes ses chances du départ.
Mais il n’en est pas ainsi, c’est bien de nos vies, de nos libertés d’expression et d’actions de cette vie qu’il s’agit et il y a trop d’occultations ou pas assez dans ce jeu réel.
Normalement, dans un jeu, les règles sont claires au départ, même si il y a des disputes à propos de la règle en cours de route. On se remet d’accord, on change les règles et on continue à jouer. Certains sortent du jeu, n’acceptant pas les règles, mais en général, ils reviennent vite, car rester isolé trop longtemps, c’est pas humain. Ou bien ils forment des cercles parallèles avec d’autres règles que tout le monde connaît et que l’on peut rejoindre à tout instant. Ou bien ils forment des cercles obscurs, les règles du jeu restant cachées, et dévoilées seulement aux cooptés.
Mais en aucun cas, personne n’ignore les règles du jeu qu’il est en train de jouer.
Si les identités numériques sont bien toutes ces relations reliées, une identité seule, cela n’existe pas, alors il devient urgent de connaître les règles. Nous avons le droit de savoir à quoi jouent les Etats et les grandes entreprises.
Que nous le voulions ou non, il y a belle lurette que nos vies dépendent de ces deux entités. Dominants, dominés, vous connaissez la chanson. S’il a paru raisonnable à l’espèce humaine jusqu’à présent d’accepter les règles édictées par les puissants sans broncher, sauf pics révolutionnaires, nous avons peut-être une chance aujourd’hui de définir nous-mêmes les règles, comme dans un jeu, pacifiquement. Le seul hic, c’est qu’il faut passer à l’acte.
Je vais faire Madame Irma, j’ai bien nettoyé ma boule de cristal, voyons voir ce qu’elle nous dit, en gros !
Petit un, je l’oriente avenir pessimiste :
L’Etat devient omniprésent, surveille toutes nos traces, aucun moyen d’échapper à la surveillance totale jusqu’à la puce implantée à la naissance.
Les entreprises contrôlent de plus en plus nos désirs sous couvert de personnalisation, l’instinct grégaire nous pousse à adopter ce que les autres adoptent. Le “parce que je le vaux bien” devient référence généralisée.
Pour subsister à ses besoins primaires, boire, manger, se loger, l’être humain doit sacrifier sa vie entière à l’entreprise. Epié de partout, il ne peut plus exprimer ses doutes, ses rêves, ses colères, il se façonne une image à la mode de l’entreprise, le parfait employé modèle, heureux, épanoui, faux maître de son existence fictive.
“Ne pensez surtout pas, on s’occupe de vous !” devient l’injonction sous-cutanée qu’on infiltre dans tous les esprits. Des armadas de coach prolifèrent qui croient faire le bonheur des candidats, en les aidant à trouver l’emploi rêvé … par d’autres !
Dans un monde enchanté, numériquement plat, d’un conformisme jamais inégalé, les gens connectés les uns aux autres se contenteront d’être connectés. Je suis connecté aux autres, tout va bien. Et pour résister à la peur, à la méfiance générale, chacun devenant un ennemi potentiel pour l’autre, on fera semblant d’être heureux. Heureux ceux qui le croiront ! Et les exclus par millions de ce grand jeu de dupes, tomberont les uns après les autres dans l’indifférence générale. Hors jeu !
Si nous en arrivons à ce stade, je pense, que la camisole chimique va s’étendre encore plus, au moins pour parer au suicide !
Et le tout dans une planète surpolluée, où 1000 guerres ravagent le cœur des hommes … de révolutions en révolutions matées, jusqu’à l’extinction des feux !
Petit deux, je vois un cul entre deux chaises :
Personne n’est dupe, mais personne ne fait rien. Ca crie, ça gesticule, ça écrit, ça dit, ça hurle, ça conférence, ça philosophe, ça reste entre soi, ça reste dans un même milieu, ça coache, ça psychanalyse, ça psychologise, ça bloggise, ça réseaute, ça sous-réseaute, ça se cache, ça code, ça logiciel libre, ça ce que vous voulez, mais ça ne désobéit jamais. Ca reste soumis, ça ne passe pas à l’acte. Ca reste divisé. Le “je voudrais bien, mais je ne peux point” règne sur Internet. La pensée ne passe pas à l’acte, on continue, écrasés, à payer des impôts pour la dette fictive et l’armement qui fait les guerres, on continue à vouloir réussir sa carrière dans des entreprises qui nous nourrissent mal et nous empoisonnent. On continue à essayer de rendre conciliable l’inconciliable avec les règles de jeux tronquées à la base. On ne change pas les règles, donc on reste les bras ballants à assumer psychiquement cette dichotomie inhumaine. On continue comme avant … mais jusqu’où ? Allez voir au petit un pour la fin ! Non ? Je réitère alors :
Et le tout dans une planète surpolluée, où 1000 guerres ravagent le cœur des hommes … de révolutions en révolutions matées, jusqu’à l’extinction des feux
Petit trois, je l’oriente avenir optimiste (ou utopie ou révolutionnaire):
Les peuples s’éveillent devant l’urgence du piteux état de la planète. Ils ne se laissent plus dicter les choix. Même au bas de la pyramide de Maslow, les employés refuseront de continuer à polluer la planète, refuseront le travail qui ne sert à rien, refuseront le travail qui humilie. Ils exigeront des entreprises de ne plus utiliser les produits polluants, ils exigeront des entreprises que l’humain passe avant les produits ou les services inutiles.
Les financiers, les économistes, les comptables, ne lisseront plus leurs images ternes de parfaits cadres d’entreprises, mais feront tout pour changer les règles comptables qui ne correspondent pas à l’humain. Dans leurs blogs, leur CV, leurs réseaux, ils ne se montreront pas en expert moutonnier concurrent les uns des autres, mais s’allieront tous pour refuser les emplois des entreprises vieillissantes et destructrices de valeurs humaines. Ils exigeront le changement et le changement se fera.
Les managers, cadres dirigeants, s’uniront avec les employés d’usine, de bureau, et toutes les petites mains et les grandes, refuseront de continuer à travailler dans les conditions actuelles. Ils s’exprimeront dans les réseaux, obligeront les syndicats à se réformer, obligeront les entreprises à revoir leur projet. D’un bout à l’autre de la chaîne, d’un bout à l’autre du monde, tout sera revu sous l’angle fraternel.
Les chefs d’entreprises, surpris au début, se rallieront ensuite dans le mouvement général. Heureux, ils déborderont aussi d’ingéniosité pour trouver les solutions pour un monde viable et équitable.
Les citoyens ne participeront plus aux jeux des partis politiques qui ne pensent qu’aux élections prochaines, ils feront eux-mêmes la politique.
Des vrais boycotts se mettront en place, avec chaque fois des propositions concrètes et des actions pour renverser l’ordre économique, le désordre écologique, l’esclavagisme imposé pour des miettes de pain.
Il y aura toujours des armadas de coach ou plutôt de leaders éclairés, mais ils ne sont plus politiquement corrects. Ils ne parlent plus de carrière à réussir, de concurrents à évincer, du meilleur du meilleur, mais ils parlent de regroupement, de groupes de pressions, de réflexions, d’employés soudés, cadres ou pas cadres, ils parlent de changer le monde, au grand jour, à la face de tous ! Ils aident au changement, avant d’être vous-mêmes, soyez humains, humains dans un monde rond qui ne peut s’étendre à l’infini. Ils parlent de prendre soin du vivant, ils parlent d’un monde non brevetable, de ressources libres gérées avec soin, pour tous, ils disent “osez exprimer votre malaise”, “osez faire des propositions”, “osez critiquer vos entreprises, vos gouvernements”, “osez vos pensées en accord avec vos actes” “n’ayez pas peur de perdre votre emploi”, “n’ayez pas peur de ne pas trouver d’emploi”, “si les emplois ne vous correspondent pas, créez les”, “Ne vous soumettez plus, relevez la tête”, “la nature n’est pas extérieure à vous, vous êtes la nature” “N’enviez pas les puissants, ils sont humains comme vous”, “Les puissants ne pourront rien contre un peuple qui se lève”, “et les fils et filles des puissants vous rejoindront, la liberté est contagieuse”
Et ils diront encore :
“Organisons-nous, créons les réseaux nécessaires, décentralisés, partageons nos données, apprenons à apprendre”, “Dénonçons ceux qui nous traquent, qui nous profilisent, qui nous soupèsent comme un poulet engraissé”, “Dénonçons les fausses campagnes marketing qui servent à mieux polluer notre environnement et nos esprits”, “désobéissons, continuons à partager la culture, tous les savoirs et partageons nos biens” “Osons être humains sur Internet et ailleurs”
Et ils diront aux jeunes surtout :
“Ne vous laissez pas mener comme un troupeau à l’abattoir”, “Arrêter d’admirer les stars et de vouloir être quelqu’un de faussement important”, “vous êtes déjà importants, vous êtes en vie” “tout est à faire, tout est à inventer, vous pouvez le faire avec tous les autres aussi importants que vous” “prenez en main vos vies et les données de vos vies”
Et ce qu’ils diront, ils le feront ! Plus de paroles en l’air ! Ils n’auront plus peur de désobéir, ils n’auront plus peur de refuser ce qui empiète sur la vie, ils oseront ne plus prendre l’avion par refus des contrôles biométriques, ils oseront parler avec les sans-grade, ils oseront soutenir en masse ceux qui refusent qu’on leur stocke leur ADN, ils oseront lutter, ils oseront le troc de leur confort pour plus d’humanité. Ils oseront la révolte pacifique en refusant. Ils oseront marcher vraiment pour contrer la misère, contrer les guerres. Et ils oseront proposer et mettre en action sans compromission.
Et je vois un monde à l’œuvre qui se redresse petit à petit, qui réinvente les règles du jeu, ouvertes, libres, un monde qui prend le chemin de la vie, un monde qui n’a plus peur.
Petit quatre, et moi, miroir que vois-tu pour le futur ?
Je me vois oscillant entre le petit deux et le petit trois. Le petit un, non merci, je meurs avant.
Comme Narcisse, je vois mon image trouble dans l’eau, comme une identité numérique cubiste, pour remettre un peu de poésie dans mes points de vues, mes angles d’approche et mes lignes de fuite.
Et je n’aurai aucune envie de les rassembler, juste les laisser exister, avec les replis d’ombre, les froncements, les extensions, les délires, les impossibles et les possibles. Et cette image n’est pas fixe, elle bouge à chaque seconde, comme un cœur qui bat avec les autres cœurs qui battent. Un peu entre deux chaises et un peu insoumise, le cœur balance. Et puis petit à petit, je m’éveille et je n’ai plus peur, je serai définitivement dans le petit trois.
8 comments
xavier says:
Nov 18, 2009
Et bien, il est très actuel ce post d’il y a un an. Tout à fait d’accord avec vos classifications et me situerais volontiers entre petit 2 et petit 3 moi aussi.
Félicitations.
Xavier .)
Dominique Rabeuf says:
Nov 18, 2009
L’accumulation d’improvisations à effets médiatiques néfastes se multiplient dans beaucoup de contrées et chez beaucoup d’organisations gouvernementales. Ils doivent aujourd’hui faire rendre service à trop de groupes corporatistes, communautés sectaires, lobbies idéologiques tout en tenant leur rôle de providence de pasteur qui dirige le troupeau là où l’herbe est plus verte. La brebis causent avec des brebis d’autres troupeaux sans que les chiens du pasteur puissent les en dissuader, d’ailleurs certains chiens causent avec d’autres chiens dont les maîtres sont d’autres pasteurs. Les pasteurs se mettent à douter de leurs prophètes qui sont en train d’inventer d’autres dieux. L’imagination des prophètes et la puissance de leurs dieux ne pourront pas s’emparer d’Internet
mrique says:
Nov 18, 2009
je bloggue, je poste, je commente, assurément 2 aspirant 3 mais quid ? la peur ?
y says:
Jan 5, 2010
l’avenir est incertitude par définition, on peut aussi penser à une oscillation entre les 3 scénarios et faire varier sa fréquence pour observer les transitions de phases.
koanizee says:
Mar 16, 2010
Ce texte est très intéressant. Mon pessimisme me pousse à sourire devant l’idée d’entreprises transversalement soudées autour de même valeurs qui comprennent l’insoumission et un regard critique et moral sur ses actes (je crois que la lutte des classes à encore de beaux jours devant elle et la manipulation aussi).
Mais par contre mon optimisme m’a poussé, dans mon domaine de travail très particulier lié à l’industrie de rêve (cinéma & TV), à créer un réseau professionnel pour briser l’isolement car je travaille en free lance. Ce réseau ne cesse de grandir et de m’apporter, il touche de plus en plus de personnes qui se rendent comptent que l’on peut faire bouger les choses (ou du moins essayer). Et je sens me mon envie d’agir se communique et que cette énergie collective nous soutiens tous individuellement. Je suis optimiste et idéaliste, je ne sais pas ce que deviendra ou fera ce réseau, mais j’ai la sensation grisante que tout est possible si on prend la peine d’agir au lieu de se plaindre constamment.
admin says:
Mar 16, 2010
Merci @ koanizee,
oui, si nous le désirons, nous pouvons changer “les choses” à notre niveau. Ne pas baisser les bras. Jamais.
Règles de Jeux » C’est quoi la valeur d’une entreprise ? says:
Sep 23, 2010
[…] Pour ceux qui trouvent ce post obscur, mais où veut-elle en venir, voir cet ancien article … […]
C’est quoi la valeur d’une entreprise ? | Règles de Jeux says:
Fév 21, 2012
[…] ceux qui trouvent ce post obscur, mais où veut-elle en venir, voir cet ancien article … Tags: 2.0, crise, entreprise 2.0, esclavage, identité numérique, Personal Branding Previous […]