Suite à l’article de Richard sur son blog, j’ai pensé au mythe du gros animal de Platon. Voici le texte :
“Quant aux particuliers qui donnent des leçons rétribuées, la multitude les nomme des sophistes et les regarde comme des rivaux. Mais ils n’enseignent pas autre chose que les opinions de la multitude, opinions qui se forment quand la multitude est assemblée. C’est là ce qu’ils nomment sagesse. Suppose un animal gros et fort; celui qui le soigne apprend à connaître ses colères et ses désirs, comment il faut l’approcher, par où il faut le toucher, à quels moments et par quelles causes il devient irritable ou doux, quels cris il a coutume de pousser quand il est dans telle ou telle humeur, quelles paroles sont susceptibles de l’apaiser et de l’irriter. Suppose qu’ayant appris tout cela par la pratique, à force de temps, il appelle cela une sagesse; qu’il en compose une méthode et qu’il en fasse la matière d’un enseignement. Il ne sait pas du tout en vérité ce qui parmi ces opinions et ces désirs est beau ou laid, bon ou mauvais, juste ou injuste. Il applique tous ces termes en fonction des opinions du gros animal. Ce qui fait plaisir à l’animal, il le nomme bon, ce qui répugne à l’animal, il le nomme mauvais, et il n’a pas à ce sujet d’autre critère. Les choses nécessaires, il les nomme justes et belles, car il est incapable de voir ou de montrer à autrui à quel point diffèrent en réalité l’essence du nécessaire et celle du bien. Ne serait-ce pas là un étrange éducateur? Eh bien, tel est exactement celui qui croit pouvoir regarder comme constituant la sagesse les aversions et les goûts d’une multitude assemblée d’éléments disparates, qu’il s’agisse de peinture, de musique ou de politique. Or si quelqu’un a commerce avec la multitude et lui communique une poésie ou toute autre oeuvre d’art ou une conception politique, s’il prend la multitude comme maître en dehors du domaine des choses nécessaires, une nécessité d’airain lui fera faire ce que la multitude approuve.”
Platon, La République, traduction Dacier et Grou, livre VIII, 557a à 562a, 1920. Cité dans La démocratie athénienne, p. 106 et suiv.
A méditer à l’heure de la sagesse des foules …