D’ailleurs, je vais en user tout de suite, je vais être sincère, franche et dire ce que j’en pense, cela fait partie de ma marque … Attention, je mets peut-être en danger ma vie professionnelle avec ce que je vais écrire ci-dessous, je ne contrôle plus mon image, ça y est, c’est la débâcle !
Tant pis, Allons-y !

Le Personal Branding est le phénomène du moment, pour booster sa carrière professionnelle, plus personne ne peux échapper à son “image” numérique, que dis-je image, c’est marque qu’il faut dire, et celle-ci se doit d’être travaillée. L’improvisation serait dangereuse, il y a des recommandations à suivre. Mince, ai-je bien lu Peter Montoya ? C’est que le marketing de soi ne va pas de soi !
Si l’on en croit les professionnels qui proposent leur service pour nous coacher au Personal Branding nous devons être qui nous sommes vraiment et en faire une marque. L’injonction ” soyez-vous même !” est vraiment le slogan du XXIème siècle. A première vue, très bien, on ressort même toujours à l’occasion le fameux “connais-toi toi même” de Socrate, mais je ne suis pas sûre que l’objectif soit le même …
L’objectif du Personal Branding, bien dissimulé dans des phrases idéologiques dont les mots pourraient être “réussir” “leader” “talent” “confiance en soi”, est bien de faire carrière tout en étant heureux, sincère, et bien entendu le meilleur, celui à qui on fera appel parce qu’il n’y a pas d’égal ailleurs. Et quid des erreurs et des vulnérabilités de la vie …

Depuis les années 80, les stages en développement personnel pullulent en Occident, et quel est le but ? Mais c’est d’être heureux, le bonheur à tout prix ! Qui en veut ? Il faudrait être fou pour refuser un tel programme. Un bon job, bien payé, où toutes mes compétences, mes talents sont reconnus et récompensés, le sourire collé toute la journée, qu’est-ce que je suis heureux ! Le soir, je rentre chez moi avec ma belle voiture pour rejoindre ma belle maison avec toute la superbe famille, recomposée ou pas, avec dîner sympathique dans l’immense salle à manger devant le dernier écran plat top modèle. Le week-end, ce sera le petit déjeuner dans le jardin ensoleillé ( il fait toujours beau) avec l’ami Ricoré.
Le Personal Branding est une adaptation de ces injonctions délivrées depuis une vingtaine d’année. Rien de neuf dans l’idéologie sous-jacente, sauf que c’est adapté maintenant à la “vie numérique”.
Et que tous ceux qui envient cette vie là et qui n’y arrivent pas dans leur HLM pourri et étriqué travaillent donc leur image. Ils n’ont pas encore trouvé leur talent caché, c’est pour ça ! Mais non, ce n’est pas de leur faute, disons qu’ils n’ont pas encore compris les clés du succès. Et oui, c’est dommage, la sécu ne rembourse pas encore les conseils en Personal Branding, ainsi que tous les stages de développement personnel, alors évidemment il va falloir économiser sérieux pour se payer le séminaire !
Ah pardon, c’est vrai, le Personal Branding, c’est plutôt pour les hauts potentiels, pas pour le petit cadre minable. Faut dire que le petit cadre minable qui peine à boucler ses fins de mois, c’est pas le client rêvé pour le consultant, faudrait baisser les prix. Mais heureusement il y a le DIF maintenant, peut-être que le patron va payer pour les petits employés …
Je suis méchante, je sais ! Je me connais, oui, je peux être méchante et garce. Je devrais avoir de l’empathie pour tous ces consultants qui veulent mon bien.
De toute façon, on peut se passer d’eux, puisqu’on trouve tout ce qu’il faut sur le net en informations pour auto apprendre le Personal Branding, et après, allez, on met tout cela en action. ( je suis encore plus méchante là)

Il faut donc être soi-même et maîtriser son “être soi-même”, car gare à la négligence, cela peut-être fatal pour la carrière ! Nous sommes bien dans une logique carriériste.
La marque, c’est moi-même, whaou, voilà qu’il faut s’autogérer comme une entreprise, à part que l’on est tout seul ! Mais non, pas tout seul, puisque je communique avec les autres. Vraiment avec les autres ? Ce ne serait pas plutôt vers les autres ? Et oui, les autres, aïe, les autres, ils existent et ils peuvent dire des choses pas gentilles sur moi, ils peuvent détériorer tout le travail que j’ai fait sur mon image. C’est bien embêtant, ça ! Il va falloir une réactivité à toute épreuve, surveiller en permanence son image. Les marques (les entreprises) sont très vigilantes à ce sujet et les procès sont légion. Va-t-on devoir chacun avoir un avocat attitré, la diffamation, voilà un grand danger.

Bon, je vais tenter un peu d’objectivité, c’est vrai, il y a du bon aussi, non ? Le Personal Branding venu tout droit des Etats-Unis, n’a peut-être pas le même sens là-bas qu’ici. Les américains sont plus spontanés ( est-ce vrai ?), nous, les français, nous avons souvent peur de tout ça. Oh, que je n’aime pas faire ce genre de généralité ! Mais, il faut bien le dire, nous communiquons différemment. Alors est-ce que c’est par peur du grand méchant loup marketing que je dénigre ces techniques d’image de soi ? J’exagère, je sais, la communication réseau que j’adopte et que j’apprécie fait partie de ma vie maintenant, et cette communication réseau fait partie aussi du “marketing de soi”, sauce numérique.
Qui suis-je sur la toile ? Qui suis-je en tant qu’objet communiquant ? C’est une vraie question. Je me la pose aussi pour moi-même.
La transparence, la sincérité suffisent-ils ? Et puis qui peut se targuer d’être vraiment transparent ? Il y a toujours des zones d’ombre. Je ne sais pas dans quoi je m’embarque là, et mince, je n’arrive pas à être objective, j’arrête là cette réflexion qui commence, continuons.

On retrouve donc dans cette notion de Personal Branding, un cocktail étrange fait de développement personnel et de gestion de soi qui engendrent une gestion de la communication de soi. Communication que je me dois de contrôler ! Vie privée, vie publique ! Ma vie publique devient aussi mon image professionnelle. Si je veux dissocier les deux, je dois utiliser des pseudos et me cacher pour montrer des facettes de moi-même qui pourraient nuire à ma carrière. Et cette dissociation peut-être difficile à gérer.
Imaginons que je sois dans un parti politique, et que j’ai envie d’ouvrir un blog à ce sujet, dois-je prendre un pseudo ou dire qui je suis réellement ? Si je me masque, mes amis politiques ne sauront pas qui je suis (à moins que je leur dise en privé) et si je ne me masque pas, et que je cherche un emploi, et si l’employeur potentiel est à l’opposé politiquement, va-t-il m’embaucher ? Faut-il montrer une image neutre de soi politiquement ? C’est d’ailleurs ce que je remarque, c’est un sujet tabou dans les réseaux sociaux professionnels, idem pour la religion. Chacun planque ses opinions, faudrait pas déborder, trop peur d’un préjudice dans la carrière.
Alors, être sincère, oui, mais uniquement dans une dimension professionnelle. Le net deviendra-t-il un énorme réseau de marques, de personnes talentueuses, compétentes, heureuses, un réseau de jolis masques sociaux au sourire étincelant, chacun se croyant unique et le meilleur. Cela ne vous rappelle-t-il pas la publicité ? N’est-ce pas ce que l’on nous dit à longueur de journée dans les médias et les panneaux d’affichage ?
Ah, les techniques marketing ont bien marqué les esprits, c’est très réussi, on va bientôt tous être des images publicitaires, pas un cheveu qui dépasse. Et sous couvert d’être unique et exceptionnel, tout le monde va finir par se ressembler, du moins en image.
Enfin, c’est ce que certains aimeraient ( qui ?), que le net devienne un espace de marques personnelles ou de marques d’entreprise, comme cela, hein, on pourra toujours consommer en paix sans trop se poser de questions sur les buts et objectifs. Il ne faudrait pas qu’un chômeur malheureux vienne à montrer une mauvaise image de lui-même, le pauvre, il ne trouverait pas de travail, pas question donc de critiquer quoi que ce soit et surtout pas l’entreprise, sous son vrai nom bien entendu !

Ceci dit, je crois que les consultants qui se positionnent sur le marché (oui, c’est un marché) du Personal Branding, sont souvent sincères et croient vraiment apporter des bonnes solutions aux autres. Mais décidemment, j’ai toujours du mal avec les concepts révolutionnaires qui nous disent ce que l’on doit faire et comment gérer sa vie, surtout quand on nous dit d'”être nous-mêmes”, je trouve le concept très fumeux, surtout comment il est présenté !