… suite à l’Université d’été et autres discussions récentes.
Première partie [ayant perdu mon texte initial suite à mauvaise manip, j’ai reconstruit déjà la première partie]
Tout d’abord encore un grand merci aux organisateurs et bénévoles pour ces trois, quatre jours réjouissants !
Je suis donc intervenue avec Agnès Maillard sur un angle peu débattu, l’angle du féminisme. On s’est bien marré 🙂
mais je voudrais insister ici sur un aspect dit mais pas assez à mon goût, c’est la liberté , la liberté d’être. Et surtout, surtout, parce que cette liberté d’être rejoint des lignes de rupture que l’on sent poindre de plus en plus parmi les activistes du rdb.
Où il est question des femmes encore …
J’ai insisté lourdement sur le statut de la femme de ménage, parce qu’il représente à mes yeux, toute l’injustice de notre système, plus la double peine ici : les tâches ingrates que sont obligées de faire les personnes en manque de monnaie et le statut de la femme au foyer, ménagère, spectre que les féministes redoutent.
Pour se libérer de ces tâches qui prennent du temps, les femmes plus fortunées (par le travail, par héritage ou par leur mari) délèguent ces travaux à d’autres femmes qui n’ont pas cette chance. Double peine pour la femme de ménage, ménage chez elle et ménage chez les autres. Le nez dans la poussière quoi, quoique si on est poète, la poussière peut joliment scintiller dans un rai de lumière.
Et donc si nous avions un revenu de base, la femme de ménage réduirait déjà pas mal son temps de ménage chez les autres et la femme qui ne fait pas le ménage devra certainement augmenter le tarif de paye et/ou faire le ménage elle-même, ou son compagnon hein. Et comme la peur de nombreuses féministes avec le RDB, c’est que les femmes exerçant des métiers ingrats (parce que nous les traitons d”ingrats hein, c’est une idée) et sous-payés (ça ce n’est pas une idée) vont (re)devenir des femmes au foyer parfaites ménagères puisque les mentalités des mâles à ce sujet évolue terriblement lentement. Le discours sur l’émancipation des femmes (hormis la sexualité) tend trop souvent sur deux axes opposés, l’emploi émancipateur et le foyer, centre assignée aux femmes. Comme s’il n’y avait que ça dans la vie ! Et quoi, quid des poétesses, des danseuses, des exploratrices (même au bout du jardin), des sportives, des contemplatives (bon ok, ça ce n’est plus trop courant), des brodeuses, des écrivaines, des lectrices ….
Mais il n’y a pas de limite à la richesse humaine, la richesse d’une vie. Pourquoi les femmes seraient-elles limitées ? Une grossesse, les enfants petits, ce n’est pas toute une vie, quelques mois, quelques années, et même en quoi ça limiterait ? En quoi ça limiterait la poétesse d’écrire des vers, la doctoresse de soigner des gens, l’alpiniste de grimper, la boxeuse de boxer, la brodeuse de broder, la militante de militer, la méditante de méditer, la cantatrice de chanter ?
Hélas, l’idée des femmes cantonnées au foyer est bien ancrée, le patriarcat a tout fait pour ça et on comprend bien la crainte. Mais est-ce une raison d’en rester à cette crainte ? Ce n’est qu’une idée, une force mentale extérieure qui bloque. Ce n’est en aucun cas la nature de l’être. La nature de l’être ne s’embarrasse pas de ces limitations illusoires.
Avec un revenu de base, on pourra plus facilement tendre la main à autrui, si on le désire et trouver des solutions ensemble pour sortir du mirage. Et quoi, dans le foyer, l’homme ne veut pas prendre part aux tâches du foyer ? Une petite grève du ménage, ça vous dit ? Cela marche très bien. Si on se retrouve par le pur hasard avec un mufle (ça peut-être pire, un violeur ou assassin), la sororité libérée et en marche viendra apporter son soutien.
Et l’homme au foyer, ces hommes qui petit à petit, prennent plaisir à s’occuper des enfants ? Encore un terme empreint de préjugés. Pourquoi, il ne serait qu’au foyer ou qu’au travail ? Être au foyer ne sont que des temps de vie.
On préjuge encore de la place des enfants, qui ne seraient aussi qu’au foyer. A ce que je sache, ils n’y sont pas 24h sur 24h. Et des enfants avec un revenu de base ? C’est là peut-être que je trouve le revenu de base surpuissant et disruptif, un enfant émancipé, que va-t-il bien pouvoir inventer, créer ? Son appui ne sera-t-il que sa famille ? De sacrés surprises nous attendent. Des enfants malheureux chez eux ne pourraient-ils pas trouver accueil dans des maisons d’enfants autogérées ?
L’imagination ne manque pas pour se libérer des chaînes, enfin surtout quand on a commencé à les apercevoir ces chaînes. Il est vrai qu’aujourd’hui elles nous sont de plus en plus masquées. Il y a une féroce tendance à créer des moules et on confond le moule et la copie. Nous sommes de pâles copies de moules, et on ne voit plus le moule, les moules qui nous ont formaté.
Quand je dis que l’on devrait se fier un peu plus aux femmes qui ont, de par leur histoire, une connaissance très fine des mécanismes de domination, des mécanismes de contrainte et donc de moulage, je ne dis pas ça en l’air. L’instinct de la vie, du fait de l’utérus et de la fabrication interne du vivant, est plus présent chez les femmes que chez les hommes. Je sais c’est injuste, mais là, j’y peux rien, c’est la nature. Si un jour, on met au point des utérus artificiels, on en reparlera hein, en attendant … L’instinct de vie, brimé depuis des siècles, une fois libéré pourrait bien être le détonateur de la mutation humaine. Mais de grâce, ne préjugeons de rien !
Vision d’une société à venir ou projet ficelé des échanges humains ?
C’est pourquoi et j’y viens, même si on croit voir de l’extérieur que les partisans d’un revenu de base rêvent tous de liberté d’être, il n’en est rien du tout. En tant que copies inconscientes du moule, beaucoup ont finalement un projet. C’est à dire comme beaucoup d’utopistes du passé, un projet de société déjà ficelé, un projet de moules où on espère susciter l’adhésion de la majorité. Ce n’est même pas sortir d’un moule pour un autre, c’est juste une déformation du moule ancien parce que les forces du passé sont tenaces et qu’elles se sont mêlées à d’autres forces inédites que nous n’avons pas encore vues. Le revenu de base oui, mais à condition que … et d’un revenu maximum, et de taxes écologiques, et de relocalisation de l’économie, et de tant de litres d’eau par personnes, etc etc etc … Heu, le revenu de base, c’est bien sans conditions, non ? 🙂
Vous me direz, mais qu’est-ce que ça veut dire liberté d’être exactement ? Liberté à chacun d’au moins pouvoir aller vers sa nature, même si c’est dur. Nous sommes arrivés à un extrême d’emprisonnement du vivant (quoique on peut faire encore pire) où n’avons même plus la possibilité de se mettre en route. Il est vrai qu’il est difficile de voir ce que pourrait être cette nature, tant elle a été malmenée par les moulages successifs. Ces moulages ont été imposés par des forces extérieures et à chaque naissance, ça recommence. Très peu y échappent et effectivement il y a très peu d’êtres humains véritablement libres d’être. Au lieu de tenter de voir cela clairement, tout en se sachant contraint et prisonnier (et tenter de s’en défaire), on dit c’est la société. Mais la société n’est qu’une idée, elle est le fait d’humains. Et quels humains ont décidé de faire société comme cela ou ceci ? Quels humains ont décidé des lois ? Quels humains ont décidé de noyauter les échanges humains en les privant de monnaie ? Quel est leur moule ? Y’a un truc qui se nomme la loi du plus fort, qui a décidé cela si ce ne sont les plus forts ? Une fatalité ? Allons donc !
C’est assez drôle en fait, car dans la plupart des débats autour du RDB, c’est la première question que posent les gens. Mais plus personne ne va rien faire, mais ils vont tous acheter des écrans plats et des produits chinois qui polluent la planète, etc … perso, j’ai toujours répondu : et alors, si d’autres ont justement la possibilité de faire autrement, ne le feront-ils pas ? Pourquoi voulez-vous empêcher les gens de faire ce qu’ils veulent. Et petit à petit j’ai remarqué que nombre de défenseurs du rdb sombrent dans ce préjugé là et se mettent à penser des barrières pour orienter la société selon leur vision, vision humaine et généreuse, certes, mais sans liberté.
La question profonde est au final : quelle est cette peur partagée que l’être humain laissé libre ferait n’importe quoi ? D’où nous vient cette pensée, cette idée ? Est-ce vrai ?
Je vous laisse sur ces premières réflexions, j’y reviendrai … 🙂
8 comments
max avelard says:
Sep 17, 2014
L’être humain libre ? Je pense que cela n’existe pas, pour l’instant un peu comme l’existence des foetus artificiels, peut être que dans le futur un être humain libre (né d’un foetus artificiel) pourra vivre dans une existence mi materielle mi virtuelle dans un paradis seul, un univers autogéré et animé dans un projet scenarisé. Or non, l’être humain est social, né d’une mère et déboulent dans un contexte politico social. Donc à mon avis plutôt que de reprocher à certains de développer leurs projets laissons plutôt la créativité reprendre ses droits. Ayons confiance en une société démocratique où tirage au sort et créativité feront bon ménage, mon pas qu’anticiper soit une mauvaise chose mais où anticiper nous fait construire des barrières à l’inattendu. Chacun a sa propre sensibilité nier celle des autres c’est déjà leur attribuer moins de liberté. Comment reprocher à quelqu’un d’anticiper un projet, n’est ce pas lui ôter la liberté de sa sensibilité?
Carolef says:
Sep 17, 2014
Si l’on a pris conscience que l’on est non libre et que l’on perçoit les empêchements, alors nous pouvons mettre notre créativité et génie à construire les outils sociaux et économiques qui nous permettent d’expérimenter notre puissance vitale. Ce sera l’objet de la seconde partie.
Je ne reproche rien, je dis que tant qu’on est aveugle, tant qu’on ne voit pas la copie et le moule, tant qu’on ne voit pas tous les objets de domination et les relations de domination, on ne peut projeter qu’une chimère de plus, même si on croit que c’est pour le bien de tous.
Christina says:
Sep 17, 2014
bonjour Carole, je ne pense pas que la peur joue un rôle ici, mais bel et bien la confiance! Je pose comme toi des questions autour de moi et je compare le jeu de hasard (loterie) le Win-For-Life avec l’Allocation Universelle. Le jeu vous offre, en achetant un ticket une chance minime de gagner à vie 1000 euro.
Je pose donc les questions suivantes dans les deux cas:
avec une garantie de 1000 eur à vie qu’allez vous changer dans votre vie etc etc. Les réponses sont toujours similaires: je vais travailler un peu moins, je vais faire autre chose, rien va changer etc etc. Puis on demande: pensez vous que l’on va faire tout et n’importe quoi avec 1000 euro, voir devenir paresseux. En ce qui concerne le Win for Life: la réponse reste positive, mais avec l’AU tous les autres feront tout et n’importe quoi, voir deviendront parresseux….sauf moi….Le MOI est une pensée très individualiste et hélas, l’individualisme règne partout. Petit exemple: l’énergie durable (éoliennne etc) tout le monde veut sortir du nucléaire, mais dès qu’on parle d’installer des éoliennes tout près de son village,hola, ça ne va pas non? Puis il y a aussi nos gouvenements. Savais-tu que dans les années 30 du siècle passée (pourtant crise, chômage, pauvreté etc) on parlait de reduire le temps du travail (15h/semaine) car la robotisation et l’automatisation était nées. Bon, peu après il a de ces gourous qui ont dit: oui mais le temps libre va amener à l’oisiveté et en suite à la débandade….AH bon disait les gouvernements de l’époque: donc il vaut mieux que tout le monde travaille plus. ça les arrangait bien: la sécurité sociale (donc contribution soin de santé et chômage) se payent par les actifs: les gens qui travaillent dans un emploi dit “marchand”. Les autres activités, très importantes aussi, mais sans valeurs pour le sacré Produit Intérieur Brut, était donc jetés à la poubelle. Le hic aujourd’hui, avec le chômage grandissant, la donne est en train de changer car on ne peut pas demander à la jeune génération de travailler doublement pour pouvoir maintenir cette sécurité sociale qui ne sert qu’à soutenir les retraités d’aujourd’hui ainsi que les chômeurs. C’est pour cela aussi que je pense que le changment doit venir des jeunes, car trop de gens de “ma génération” (j’ai 59) tiennent trop à leurs petits acquis et sont coincés dans cette mantalité de NIMBY(not in my back yard) Mon combat pour l’Allocation Universelle je le fais pour mes petits-enfants (4 entre 5 et 8 ans) l’avenir leur appartient mais n’est possible dans ce système actuel devenu obsolète.
Christina says:
Sep 17, 2014
et sorry pour mes fautes d’orthogr. en tant que germanophone et néerlandophone…..
carolef says:
Oct 8, 2014
oups oublié de te remercier Christina pour ton commentaire. Voilà, chose faite ! 🙂
[Partie 2] Nouvelles réflexions sur le revenu de base … | Règles de Jeux says:
Oct 10, 2014
[…] [suite de la partie 1] […]
Alexis Lecointe (conférencier gesticulant) says:
Oct 15, 2014
Salut Carole 🙂
Merci pour ton beau texte. Tu connais mon amour pour les blogs, Facebook, forums et autres outils cybernétiques… Je fais une exception aujourd’hui, peut-être que mettre par écrit quelques trucs me fera du bien ?
Je trouve ton texte intéressant et bien écrit. Y’a de la profondeur, même si j’ai l’impression que tu ne vas pas au bout de ce que tu veux dire (ça vient peut-être dans la partie 2 ?) ; c’est un ressenti, j’arrive pas à l’expliquer. Comme si tu mettais volontairement de l’ “écoutable” là où ce que tu as à dire est peut-être dur à entendre ?
Je ne sais pas sur la “naturalité” de l’instinct de vie. D’un côté, ce que j’observe me porte à le croire. Mais ce que j’observe me porte aussi à croire qu’il y a deux sexes, les femmes et les hommes, or ceci est réel mais faux (je me réfère à C. Delphy qui fait bien la différence entre la réalité et la vérité, à ce sujet). Donc à quel point la “naturalité” de l’instinct de vie ne serait pas une construction sociale, comme la supposée “douceur féminine” ? J’en reviens à nature-culture car ce n’est pas du tout clair pour moi pour l’instant. Comme j’ai un mode de fonctionnement intellectuel radical (aller au bout du bout d’une proposition, pour ensuite me faire mon idée), j’aurais tendance à dire que tout est culture, parce-que s’il y a ne serais-ce qu’un peu de “nature humaine féminine” (et donc “nature humaine masculine”), et bien c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres naturalistes ? Si les femmes ont naturellement + d’instinct de vie, alors elles auront naturellement + d’instinct de protection de la vie ? + de bienveillance ? Elles seront naturellement + empathiques ? + douces ? Enfin, tout cela est encore assez flou. J’ai surtout des questions…
Sur la “nature humaine”… Ah, je me rends compte que pour les revenus de base comme à peu près tous les sujets, au fond, ce qui fera que nous pouvons être d’accord c’est nos visions respectives de l’être humain. La “nature humaine” ? Ça rejoint, je crois, la fin de ton article ?
Les humains… Humain-es ? Bref, pas juste moi… L’être humain regroupé dans ce “les autres”, dans ce “les gens”, formulation et vision du monde qui me semble malhonnête, lâche et hautaine. Qu’est-ce que je pense des êtres humains que je ne connais pas ? Sont-illes un peu comme moi ? Face à la liberté, feraient-illes ce que j’ai peur de faire, moi, si je ne fais pas le mieux que je puisse faire, si je me laisse aller à ce qui est en moi et que je ne veux pas voir ?
Au fond, je cherche à rencontrer les humain-es qui croient en eux-elles-mêmes ET qui croient aux autres aussi ! 🙂
carolef says:
Oct 17, 2014
Salut Alexis,
je vais réfléchir à ton “écoutable” c’est peut-être bien vrai 🙂 une peur d’être prise pour une sorcière ? ^^
Culture, nature, je sais on peut en débattre pendant des heures …
Sur l’instinct de vie ou force de vie, les mots n’ont en fait pas de sens et finalement desservent toute tentative de communication verbale. J’emploie ces mots par défaut, pour dire l’inconnaissable. Ce serait quoi cette puissance de la vie ? C’est indescriptible et pourtant c’est réel 🙂
bises