… suite à l’Université d’été et autres discussions récentes.

[suite de la partie 1]

Où j’examine plus en profondeur les raisonnements

On retrouve donc chez les activistes du RDB, ceux qui pensent temps présent sans trop rien changer, transition dans le système présent, ceux qui pensent à long terme, dans une hypothétique société projeté qui n’existe pas encore …ou jamais, et ceux qui pensent faire rupture avec ce système et cela plus ou moins rapidement, avec un projet de société lié ou non, et laissant ce système tel qu’il est, le laissant s’autodétruire ou pas, qui le sait ?

Nous sommes de toute façon en phase de transition. Il est donc possible de penser cette période et de voir ce qu’il est possible de faire ou pas.

Il y a la voie politique, et quelques partis politiques sont en train d’adopter l’idée d’un revenu de base, ça frémit pas mal. Seulement beaucoup ont du mal encore, ne maîtrisant pas bien le sujet, à en parler et ne savent pas comment le lier à leur programme. On est souvent surpris de lire et d’entendre des propositions sur l’emploi par exemple, qui sont complètement déconnectées de l’idée même d’un revenu de base. Le RDB est un peu vu comme un cheveu dans la soupe, il est bien dans le programme, mais il gène … Et faire l’inverse, penser un programme de parti politique à partir du RDB serait-ce possible ? Je ne sais pas et  j’avoue, que je crois de moins en moins à la puissance du politique, en tout cas, pas actuellement, pas comment le monde est. Tant que les politiques seront à la merci des puissances financières, rien n’est envisageable et possible en terme de changement par ce biais là. Oh si, des petits changements tout de même, j’exagère, mais de là à faire muter toute une société, le fossé est grand, immense et indépassable. Désolée pour ceux qui y croient, je vous laisse y croire, mais perso je n’y crois vraiment plus trop.

Cela ne m’empêche pas d’apprécier les travaux de certains, qui arrivent à prouver économiquement qu’un RDB est possible dans ce système de monnaie dette et d’impôts. On ne change rien à ce foutu système mais on y intègre une part de subversion, si on peut le dire comme ça. Cela permet aussi dans les débats de montrer qu’un financement est tout à fait possible et que l’argent est disponible. Ces travaux influencent quelques partis politiques.

Par contre, je suis bien plus gênée et ennuyée par les propositions qui ont tout un projet de société ficelée, où il faudra faire comme si et pas comme ça, la proposition du salaire à vie en étant le paroxysme. Là, à part couper des têtes dans le sang, je vois pas comment on fait … Et je n’ose imaginer certains de ces futurs systèmes idéologiques mis en place, j’en frémis même pour le manque de liberté… Brrrr

Pour envisager la transition, mon cœur penche pour la rupture douce. Comme je le dis souvent, un vieux monde s’effondre, un nouveau se lève, laissons le vieux système et agissons dans un nouveau système. Même si ce n’est pas simple, même si nous sommes empêchés, même avec notre cul entre deux chaises, avançons avec ceux qui veulent avancer.

Pour faire rupture, il n’y a pas 36 solutions : soit partir avec un groupe fonder une nouvelle communauté autonome sur un territoire restreint, loin du brouhaha du monde, quitte à prendre le risque de mourir en route, comme tant d’autres l’ont fait à travers les siècles. Je pense à Icarie au Texas ; soit prendre le problème à la racine et tenter d’y remédier avec nos outils actuels.

La racine, c’est notre manque de liberté et la subordination obligatoire que l’on nous inflige pour survivre. Qui est nous ? C’est un peu nous-mêmes, puisque nous sommes dans une servitude volontaire, presque inconsciente certes pour beaucoup, mais acceptée et c’est beaucoup d’autres que nous-mêmes, une part de nous ailleurs, qui profitent et maintiennent ce système, ces fameux 1%. Et puis derrière il y a toute une échelle, où beaucoup rêvent de grimper, c’est pour ça que le système tient. Les dominés qui rêvent d’être dominants, qui rêvent d’un haut de panier, qui rêvent carrière. Les dominés qui dominent tous les jours à l’échelle de leur échelle. Sortir de ce cercle vicieux, c’est sortir de siècles de lavage de cerveau, de mental formaté, d’idées moulées profondément.

Combien sont ceux encore qui espèrent un genre de « le futur, c’était mieux avant » avec une nostalgie des Trentes Glorieuses, ces fameuses années où tout aurait été possible. Lavage de cerveau encore, ces années là n’ont pas été glorieuses pour tout le monde, notamment les pays du Tiers-Monde, comme on disait, pays qui après avoir été colonisés, soi-disant devenus indépendants, ont été et sont toujours la proie des pires saccages et vols des ressources premières. Mis à feu et à sang pour prendre encore et encore les ressources pour le progrès de l’ « autre monde », le riche et plus du tout si riche que ça et qui ne l’a jamais été d’ailleurs pour tout le monde, le quart-monde, ça vous dit quelqu chose ? Et donc croyance encore ! Que pensaient les habitant des taudis des années 60 70 en France, pensaient-ils qu’ils étaient glorieux ? C’est dingue comme on peut paramétrer le mental des gens.

Le problème, c’est vraiment l’idée que cette échelle existe et que l’on peut grimper dessus. Combien de parents, par exemple, veulent encore et toujours la réussite de leurs enfants à l’école, non pas spécialement pour apprendre, mais pour avoir une bonne situation plus tard ? Je ne jette pas la pierre, je sais que ce n’est pas facile, mais s’il y a une échelle, qui est en haut, qui est en bas, au milieu ? Si tout le monde est en haut est-ce que l’échelle peut tenir debout ? Non. La réalité, que personne n’ose s’avouer ou dire trop fort, c’est qu’il y a des gagnants, des qui s’en sortent à peu près, puis des perdants donc, c’est la réalité de l’échelle. Oh si, certains le disent bien, mais ils s’empressent souvent dans leur vie de tous les jours de rester au moins dans le panier, question de survie encore. Et puis il y a les cyniques, qui trouvent logique de dénigrer l’autre parce qu’il serait en bas de cette fameuse échelle, l’autre qui n’aurait pas de mérite. Cette idée de l’échelle, est je crois, la pire des choses que l’humanité s’est infligée. Supérieur, inférieur, quoi de plus terrible que de classer les humains ainsi.

Faut croire que cela arrange hélas au final pas mal de monde. Une méthode de survie certainement, liée à des temps plus anciens, liée à des formes d’esclavage plus brutales, une façon de tenter de s’extraire de la boue, s’extraire de ces 5000 ans de dettes (cf David Graeber), dettes qui ne font que s’accroître. S’il y a bien une croissance, c’est la croissance exponentielle de la dette qui tient tout le monde esclave des puissances financières. Nous sommes arrivés presque au bord de ce système. Nous n’avons plus le choix, nous devons faire un grand bond en avant et sortir de ce piège. Si nous ne prenons pas la route maintenant, j’ai bien l’impression qu’il pourra ensuite être trop tard.

Où l’on en vient à la monnaie

Mais s’il y a bien un domaine où le formatage mental et émotionnel a été accompli avec un succès presque total, c’est le domaine de l’argent, de la monnaie. Voilà qui nous intéresse au plus haut point pour le revenu de base, puisqu’il s’agit d’un revenu d’existence, d’un revenu monnaie. Sans monnaie, nous sommes voués à être au plus bas du plus bas de l’échelle. Sans monnaie, notre droit d’exister est sérieusement mis en péril. C’est exactement là où nous en sommes.

Un revenu de base versé en monnaie dette ne changera que très peu l’échelle, peut-être un peu, soulageant pas mal de personnes du poids de la misère, aidant quelques uns à œuvrer dans ce qu’ils désirent, mais fondamentalement, le problème de l’échelle sera toujours là. C’est intéressant, c’est peut-être un moyen de transition, mais absolument pas un moyen de libération. Que ceux qui œuvrent en ce sens le fassent, là n’est pas mon propos. Le revenu de base est déjà assez révolutionnaire comme concept et si donc cela peut aider certaines personnes à entrevoir un futur possible, c’est une bonne chose.

Il est par contre souhaitable, que ceux qui ont compris le piège de la monnaie, le disent. Souhaitable que nous disions bien clairement qu’un financement du revenu de base avec une monnaie qui nous maintient en esclavage ne nous mènera pas très loin.

Pour ceux qui voient mes propos un peu obscurs là, qui ne voient pas bien le rapport, je vous conseille de vous renseigner sur la création monétaire sur Internet. Les conférences gesticulées de Gérard Foucher sont très pédagogiques par exemple, comme celle-ci:

Certes, comme le lavage de cerveau est intense, il n’est pas simple de comprendre la supercherie : les banques privées créent la monnaie au moment où elle prêtent de l’argent, elles récupèrent l’intérêt et détruisent ensuite la monnaie qui est remboursée. C’est cette monnaie qui est en circulation et que nous utilisons tous les jours. C’est la masse monétaire (je simplifie ici). Nous payons la monnaie que nous utilisons et le spectre de la dette s’élève pour nous épouvanter et nous imposer des mesures draconiennes qui n’ont pas lieu d’être, nous imposer d’être esclaves pour rembourser.

Certains, ne comprenant pas bien encore cette réalité, nient que ce soit les banques privées qui créent la monnaie. Et pourtant, c’est marqué dans ce livret de la Banque de France (pages 10-11) et Bernard Maris le dit très clairement. Alors, ceux qui tentent de faire connaître cette vérité, sont parfois dénigrés et peuvent même être accusés de « complotiste », de méchant ultra libéral facho et j’en passe et des meilleures … Mais ne nous laissons pas déstabiliser par ces propos, l’ignorance en est la cause. Libres à ceux là de rester ignorants, comme libre à chacun de rester piégé dans ce jeu de dupes.

Hormis cette histoire de dette, il est capital aussi de comprendre à quoi la monnaie nous sert et quel est son rôle et qui détient le pouvoir de création; comprendre aussi comment un système monétaire nous enferme dans des comportements et des automatismes: le jeu de la corbeille est un très bon outil pédagogique, un jeu qui permet de tester des monnaies et comprendre nos agissements selon le code monétaire; le livre de Bernard Lietaer « Au cœur de la monnaie » est très instructif, il fait l’historique de la monnaie et nous montre la liaison entre patriarcat et mise en esclavage des femmes avec la monnaie dette centralisée et des moments plus souples de l’histoire (Égypte ancienne et période médiévale) où les femmes avaient repris droit de cité grâce à des monnaies complémentaires différentes pour les échanges quotidiens.

Du libre et de la légitimité

Pour sortir du piège, les nouveaux outillages numériques sont la clé. Ils peuvent nous emprisonner presque à tout jamais (sauf en cas de panne générale d’énergie) ou si nous les prenons en main, ils peuvent nous aider à nous libérer. Les logiciels libres, n’ont pas pris le nom de libre par hasard. Ils sont une alternative puissante aux logiciels privateurs de liberté. Le code source est ouvert et chacun est libre de partager, copier et améliorer. Le réseau Internet mondial peut être le support de notre liberté comme de notre enfermement. A ce sujet, si ça vous intéresse, Framasoft lance en ce moment une chouette initiative pour dégoogliser Internet.

Olivier Auber, a bien pris conscience de ces enjeux depuis longtemps ( je vous conseille de vous intéresser à ses travaux sur la perspective numérique et à son générateur poïétique). Il en a déduit qu’il nous faut réinventer une légitimité commune. Qu’est-ce qui serait légitime pour chacun de nous, humains, pour que nous puissions exercer notre souveraineté et liberté personnelle sans entraver la liberté des autres ? Voici un interview de lui aux Universités d’été :

Voici les questions que Olivier nous propose de poser :

– A) Le réseau accepte-t-il tout agent A qui le demande ? L’agent A peut-il librement quitter le réseau ?
– AB) Tout agent B (présent ou futur) est-il traité comme l’agent A, y-compris les agents qui conçoivent, développent, administrent et font évoluer le réseau ?
– ABC) L’appartenance des agents A, B et C (ABC étant le début d’une multitude) à un réseau satisfaisant aux deux premiers critères, suffit-il à ce qu’ils se reconnaissent comme pairs ?

Dans un réseau d’échanges, que ce soit de conversation, d’idées, de biens, de services, il est urgent d’interroger la légitimité du réseau. Dans un réseau d’échanges de monnaies, il en est de même. La réponse à ces questions nous éclaire très rapidement sur la légitimité commune que nous pouvons choisir de choisir. Asymétrie et centralisation ou symétrie et décentralisation ?

Si donc on interroge le système monétaire actuel avec ce regard, il n’est pas légitime ! Il n’y a pas d’autres solutions, si on désire la liberté, que de changer complètement de système.

Là encore, on peut interroger diverses solutions de sortie du système monétaire que certains proposent pour le revenu de base  : les monnaies complémentaires, le QE4P, et les monnaies libres issues de la TRM, Théorie Relative de la Monnaie de Stéphane Laborde . Ce sera l’objet de la partie 3 de ces réflexions. Je m’attarderai principalement sur la TRM et les monnaies libres, qui sont pour moi les plus à même d’être légitimes et de vraiment changer nos structures sociétales et économiques.

PS : l’article Wikipédia de la TRM a été supprimé ce jour soi-disant pour manque de sources fiables, les pages sur les monnaies libres, telles celles des projets OpenUdc et Ucoin de Wikipédia risquent de subir le même sort. L’ignorance et l’incompréhension de ces travaux, y est sans doute pour quelque chose.