Usagers 2.0 : revenir sur terre ! … enfin pour moi 😉
“Il y a une chose que l’on n’a point vue sous le ciel, et que, selon toutes les apparences, on ne verra jamais : c’est une petite ville qui n’est divisée en aucuns partis, où les familles sont unies, et où les cousins se voient avec confiance; où un mariage n’engendre point une guerre civile; où la querelle des rangs ne se réveille pas à tous moments par l’offrande, l’encens et le pain bénit, par les processions et les obsèques; d’où l’on a banni les caquets, le mensonge et la médisance; où l’on voit parler ensemble le bailli et le président, les élus et les assesseurs; où le doyen vit bien avec ses chanoines; où les chanoines ne dédaignent pas les chapelains, et où ceux-ci souffrent les chantres” La Bruyère
Revenir sur terre, cela fait du bien parfois. Il est tentant de s’enfermer dans des groupes, de ne lire que les initiés et de croire que “le web change le monde” en super monde ! Mais oui, il change le monde, mais pas encore, oh non, pas encore … et peut-être pas comme on le voudrait …
Les usagers, ce sont les humains, et les humains sont les humains. Muterons-nous un jour ? Peut-être … En attendant, les caractères ou caractéristiques humaines ne changent pas. Il suffit de relire les “anciens” pour s’en rendre compte très vite ( les caractères de La Bruyère, par exemple )
Il est curieux d’observer qu’avec la rationalisation de tout et la rationalisation de l’être humain que l’on tente de mettre en statistique, en étude sociologique chiffrée, en case … “I’m not a number, I’m a person” réplique le prisonnier … nous en venons presque à oublier les fondements et les travers de l’être humain. Les travers, parce que c’est bien de là que tout part. Si nous étions géniaux et infiniment bons les uns envers les autres, cela se saurait !
Il est donc tentant de croire que ce serait la partie “bonne” uniquement de l’être humain qui passerait dans les tuyaux, comme mon dernier post le prétendait ! ( je ne change pas vraiment d’avis, mais je pousse la réflexion 😉 ) Les bonnes pratiques ne font pas tout, reste les bons usages et les bons usagers, et l’usager ne change pas si facilement ! Et c’est peut-être bien ainsi, c’est l’humain …
C’est vrai, j’ai tellement envie d’y croire, de penser que grâce à des outils nouveaux, nos sociétés pourraient mieux s’organiser mais c’est sans compter sur les caractères humains, qui j’ai bien peur, sont encore là pour un bon bout de temps. Il faut donc faire avec !
On ne peut pas nier qu’il y a une bonne part d’idéologie dans le web 2.0, et c’est normal, nous avons tous envie de changer le monde. Les idéologies politiques, religieuses et autres n’enthousiasment plus les foules occidentalisées. Nous raccrocherions-nous alors à la technologie ? Mais est-ce qu’une nouvelle façon de communiquer, de travailler ensemble, de se mettre en relation peut évacuer les “mauvais” penchants humains ? Non, si nous sommes sincères, je ne le crois pas. On peut toujours s’atteler à la réorganisation des modes de productions, à la rendre plus fiable, plus innovante, plus rentable, plus ce que l’on veut, plus humaine, quoi ! Et oui, c’est justement l’humain qui anime tout ça. Alors, pas de doute, il n’y manquera jamais les fameux travers humains, qui sont l’égoïsme, la jalousie, le mépris, la prétention, la ruse, etc …, il y en a pleins !
Il me semble que l’engouement généré par ces nouveaux outils fait que l’on oublie un peu vite l’humain et ses composantes et que certains pourraient croire qu’il suffit de mettre en pratique les bonnes pratiques, suivre des chartes pour que l’humain se transforme soudainement en être civilisé, soucieux du bien-être des autres. En général, les modérateurs de forum ont bien pris conscience de cela, ainsi que les animateurs de communauté virtuelle. Mais beaucoup ont travaillé sur le groupe, sa cohésion, sa vision collective et peu, il me semble, sur l’individu, son “interaction” unique. Si vous connaissez des travaux à ce sujet, merci de m’en faire part !
L’ambitieux, l’arriviste, celui qui joue des coudes, qui n’hésite pas à écraser les autres pour se faire sa place utilise aussi les tuyaux. Et il n’hésitera pas à s’en emparer pour arriver à ses fins. Ce caractère n’est pas nouveau, il est peut-être un peu plus exacerbé aujourd’hui, mais à peine plus qu’au 17 ème siècle. Mais c’est comme si aujourd’hui parler de défauts humains était incongru, comme si parler de jalousie, de vanité, de cruauté, … était ringard. On part du principe que l’être humain est bon, comme Ebay, et hop le tour est joué. J’ai du mal à y croire …
J’aimerai bien tenter de clarifier certains comportements humains ( ce qu’on qualifie de mauvais, mais aussi les bons, et cela peut même se retourner parfois ) et voir comment ils se manifestent dans ce grand web. Au lieu de partir des outils, partir d’un caractère humain et de l’usage qu’il fera de ces outils. C’est un vaste domaine, un vaste chantier, je vais essayer. Si cela tente d’autres personnes, welcome !
Certes, un humain est un tout et il ne se découpe pas en morceau, mais, disons, que ce serait une espèce de fiction par caractère. Nul n’est ni tout blanc, ni tout noir, ce ne sera donc pas une représentation fidèle d’un humain particulier, mais un zoom sur des traits de caractères particuliers.
Partir donc d’une réalité, la nature humaine, et voir la réalité des usages web ensuite, les possibilités, parce qu’il faut bien faire avec !
“Ne pouvoir supporter tous les mauvais caractères dont le monde est plein n’est pas un fort bon caractère : il faut dans le commerce des pièces d’or et de la monnaie.” La Bruyère
On pourrait par exemple partir dans cet esprit :
De la vanité
“La vanité est si ancrée dans le cœur de l’homme, qu’un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante, et veut avoir ses admirateurs. Et les Philosophes mêmes en veulent. Ceux qui écrivent contre la gloire, veulent avoir la gloire d’avoir bien écrit ; et ceux qui le lisent, veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui écris ceci, j’ai peut-être cette envie ; et peut être que ceux qui le liront l’auront aussi.” Pensées – XXIV. Vanité de l’homme – Blaise Pascal
Je démarre avec ce travers humain là, car il est peut-être le plus facile à déceler et aussi le plus courant. Qui échappe à la vanité ? La vanité est même un caractère encouragé. On n’aime pas les modestes et les timides. Professionnellement, ce serait même une qualité, savoir se mettre en avant, du grand art ! Pour certains c’est plus facile, pour les modestes qui essaient de se faire remarquer, c’est plus difficile. La vanité, pourtant considérée comme défaut, apparaît être une qualité, puisqu’il en faut une certaine dose pour “être” en société, pour “commercer” ( dans le sens ancien “être d’un bon commerce”) avec les autres.
Tout serait donc dans le dosage, avoir une juste estime de soi à faire passer aux autres. S’il y en a trop, on tombe dans l’orgueil, s’il n’y en a pas assez, on tombe dans la médiocrité, enfin aux yeux des autres …
Et dans le web 2.0 ? Dans l’entreprise 2.0 ? Essayons de voir comment la vanité s’infiltre dans les tuyaux, et quelle dose est recommandée ? …
… A suivre … je ferai un nouveau post sur la vanité et le web 2.0 … avant la fin juin, cela va être dur, mais je vais essayer … et si vous avez des idées ou des envies particulières de caractère à traiter, il faut le dire …
2 comments
René says:
Juin 27, 2008
“les caractères humains, qui j’ai bien peur, sont encore là pour un bon bout de temps. ”
Pour ma part je ne suis pas surpris, mais plutôt rassuré que le caractère et le comportement humain ne soient pas changés.
L’outillage 2.0 donne à chacun la possibilité de s’exprimer pour un public potentiellement universel. C’est une multiplication des émetteurs comme des récepteurs. Je ne vois pas de raison pour que les messages en soient modifiés, mais certains qui étaient inaudibles deviennent perceptibles.
La vanité 2.0 est néanmoins un sujet intéressant, puisque l’expression sur Internet est sans doute motivée par un désir de reconnaissance, de réputation, qui peut parfois tenir de la vanité.
Carole_F says:
Juin 27, 2008
Oui, moi aussi, je suis rassurée dans un sens que la nature humaine ne soit pas modifiée, quoique des fois …
Effectivement, c’est une démultiplication, mais je pense quand même que l’outil influe sur le comportement. Et l’inverse est tout aussi possible, le comportement influe l’outil. La technique est partie prenante de l’évolution humaine et de ses interactions avec l’extérieur, la nature et les relations à autrui. Le 2.0 pourrait avoir existé sans le numérique, si on l’entend par le phénomène participatif, collaboratif …, mais le fait est que c’est le web qui l’amplifie. Comme vous dites, c’est une multiplication d’émetteurs et récepteurs, mais qui pourrait peut-être bien activer des comportements latents ou des changements de comportement. Alors est-ce que le message reste inchangé ? Cela reste encore une question pour moi …
Je m’aperçois, par votre commentaire, que je dois encore trier des éléments pas très clairs dans mon esprit ! Merci